Air Sénégal : ma première traversée en zone de turbulences

Je suis un grand passionné d’aviation et d’aéronautique. À tel point qu’il m’arrive de passer de longues minutes à contempler des décollages et des atterrissages d’avions sur YouTube. Les documentaires sur les avions, les aéroports, les crashs, et même les coulisses de la vie des pilotes, j’en ai visionné des dizaines, si ce n’est des centaines. Récemment encore, j’ai rêvé d’embarquer à bord du 6V-SEN Langue de Barbarie, l’avion présidentiel du Sénégal… Billay wallay !

L'avion présidentiel du Sénégal - arounaba.com

Pourtant, malgré toute cette fascination, mon baptême de l’air a eu lieu relativement tard : en 2016. Et je dois dire que ce fut une expérience extrêmement riche en émotions. L’extraordinaire vitesse au décollage, les sensations de vertiges en phase de montée, l’émerveillement quand on est là-haut, au-dessus des nuages, la douleur aux tympans en phase de descente (je me demande toujours pourquoi ce phénomène, d’ailleurs)… Autant d’éléments qui ont créé en moi un mélange de satisfaction et de peur à l’époque. Je me suis habitué à tout cela après plusieurs vols par la suite.

Cependant, il y avait une expérience que je n’avais jamais vécue auparavant : les turbulences. Et c’est ce qui m’est arrivé avec notre compagnie nationale, Air Sénégal. Et pour ne rien arranger, cela s’est produit de nuit… Une expérience que je ne suis pas prêt d’oublier. Embarquez avec moi, je vous raconte tout.

Le départ d’Abidjan

Nous sommes le 21 février 2024. Je m’apprête à revenir à Dakar après un beau séjour à Abidjan, où je participais à un événement sur l’économie numérique et les cryptomonnaies. Le vol était prévu pour 20h30 avec le HC304 d’Air Sénégal, pour une durée de trois heures.

À 19h58, nous avons déjà embarqué à bord de l’appareil à l’aéroport international Félix-Houphouët-Boigny. Quelques instants plus tard, l’avion entame une longue phase de roulage pour rejoindre la piste. Une hôtesse nous présente les consignes de sécurité et nous informe que les lumières de la cabine seront éteintes pendant le décollage, ce qui est immédiatement fait.

20h35, le commandant de bord s’adresse à nous par l’interphone :

« Mesdames et messieurs, bienvenue à bord. C’est votre commandant de bord… Décollage dans… deux minutes… »

À 20h37, nous sommes enfin en bout de piste. Les moteurs grondent et montent en puissance. Puis, soudain, l’avion accélère. La vitesse est vertigineuse, comme toujours. Quelques secondes suffisent, et hop, nous quittons le sol…

Une fois l’altitude de sécurité atteinte, l’avion entame un virage à 180 degrés pour ajuster sa trajectoire. De mon hublot, j’aperçois l’aile droite s’incliner de façon spectaculaire. Les lumières éclatantes de l’aéroport et une grande partie de la ville se dévoilent sous mes yeux. Un spectacle fascinant. Je me sentais comme un enfant, émerveillé par ce que je voyais. Comme d’habitude, j’avais mon smartphone allumé (en mode avion, évidemment) pour tout filmer.

Le calme avant la tempête

Quelques minutes plus tard, l’appareil atteint son altitude de croisière. Tout est devenu sombre à l’extérieur. L’éclairage dans la cabine est rétabli. Le personnel de bord commence à distribuer les repas. J’étais confortablement installé dans mon fauteuil, dégustant tranquillement mon plateau-repas.

Tout se déroulait normalement jusqu’à ce que les premières vibrations se fassent sentir. Sur le moment, je n’y ai pas prêté attention, pensant qu’il s’agissait de la routine normale d’un vol. Mais de plus en plus, les secousses s’intensifient. À mesure que l’avion avançait, les vibrations devenaient plus fréquentes et plus fortes. Je sentais une certaine nervosité monter en moi. Tout de suite, je n’avais plus d’appétit.

Je jette un œil au travers du hublot, je ne vois rien. Mais je me rassurais en observant le personnel de bord, qui continuait à servir les passagers comme si de rien n’était. Si les PNC restent toujours debout, c’est que probablement il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Et le commandant de bord ne dit rien jusque là, donc tout va bien.

Seulement, cela ne suffisait pas pour me rassurer. Les vibrations continuent de s’intensifier. Et puis, une annonce a retenti dans la cabine. C’est le commandant de bord qui nous parle :

« Mesdames et messieurs, comme vous le constatez, nous traversons actuellement une zone de turbulences. Veuillez attacher vos ceintures et rester assis jusqu’à nouvel ordre. »

À cet instant, tout a changé. Les hôtesses de l’air se sont empressées de ranger leurs chariots et de s’asseoir. Et là, je me dis : « Allahou Akbar !!!  Yalla, problème amna dé… Dans quoi je me suis embarqué là… hé, hé, hé… »

Les vibrations sont devenues plus fortes. Mon gobelet de jus de fruit que j’avais bu à moitié a basculé et se reverse. J’ai senti la panique me gagner : Allahou Akbar, Allahou Akbar… hééé, tey la tey, qu’est-ce qui va nous arriver ?” 

Air Sénégal ma première traversée en zone de turbulences- arounaba.com (2)

À ce moment-là, mon cerveau me joue des tours. Les images des documentaires de crashs me viennent à l’esprit : le vol 804 d’Egyptair, la disparition du MH370 de Malaysia Airlines et surtout le crash du vol AF447 Rio-Paris. Je me suis notamment souvenu qu’il s’agissait d’un Airbus comme le nôtre, que la météo était la cause principale de l’accident (givrage des sondes Pitot) et que c’était en vol de nuit. Et là, je me suis souvenu qu’il avait beaucoup plu dans l’après-midi à Abidjan. Est-ce la cause de ses turbulences ? Et si nous vivions le même scénario que le Rio-Paris ?

Je tente de me rassurer : « Mais non, Rone, rassure-toi. Les turbulences n’ont jamais fait tomber un avion, tu le sais, tous les spécialistes l’ont déjà dit : Gérard Feldzer, Xavier Tytelman, Pierre-Henri Chuet, Aldo Sterone… Donc, il n’y a pas à s’inquiéter outre mesure. D’autant que ce sont des turbulences mineures, là. » 

Mais mon esprit « say say » réplique : « Moo way !, ça c’est valable pour les grandes compagnies dé : Les Emirates, Etihad, Delta, Lufthansa… mais Air Sénégal bii… Avec cette réputation de manque de professionnalisme qu’ils trainent là à cause des retards et des vols annulés. Sama xél daloul dé ! Si même Air France, avec trois pilotes chevronnés et un avion ultra-moderne (Airbus A330), a perdu un appareil à cause de la météo sur le trajet Rio – Paris, alors qu’en est-il de nous ? »

Je prends une grande inspiration et ferme les yeux, la main sur le front, essayant de lutter contre l’angoisse et mes pensées négatives : « Tout va bien se passer… C’est juste des turbulences… Rien d’anormal… »

Soudain, ma bouteille d’eau glisse de la tablette et tombe. Je sursaute littéralement de mon siège.

« Allahou Akbar ! Wooy samaaa… ça y est, l’avion est en train de décrocher et va s’écraser ! »

C’est la panique totale. Mon cœur accélère… Je me mets à réciter des Salatoul Fatihi et des Ya Latif comme jamais auparavant.

« Hééé Dieu, qu’est-ce que je t’ai fait aujourd’hui !? »

À cet instant précis, une seule chose comptait : atterrir sain et sauf, et au plus vite.

Le calme revient enfin !

Finalement, après de longues minutes qui m’ont semblé une éternité, les secousses ont cessé. L’avion a retrouvé sa stabilité, et une certaine sérénité est revenue dans la cabine. J’ai pris une grande inspiration, comme si je venais de sortir d’une tempête.

Mais impossible de fermer l’œil. Mes pensées continuaient de tourner en boucle. À l’aller, j’avais réussi à dormir une trentaine de minutes avant l’atterrissage. Cette fois, je suis resté éveillé jusqu’au bout, guettant le moindre signe de nouvelles vibrations.

À 23h20, nous avons enfin touché le sol à l’aéroport international Blaise Diagne. Un atterrissage en douceur, tout s’était bien passé. En sortant de l’appareil, j’ai ressenti un mélange de soulagement et d’amusement : toute cette panique pour quelques minutes de turbulences ! J’ai repensé à toutes ces vidéos d’experts que j’avais regardées, expliquant que les turbulences ne sont jamais un danger pour les avions. Seulement, c’est difficile d’en avoir conscience là-haut, à des kilomètres d’altitude…

Je tiens à préciser que, par ce témoignage, je ne remets pas en cause le professionnalisme des équipes d’Air Sénégal. Au contraire, je salue les efforts des dirigeants actuels qui s’emploient à redorer le blason de la compagnie et à offrir aux passagers des expériences de vol toujours plus agréables. Et j’ai hâte de reprendre les airs avec Air Sénégal.

Cela dit, j’aurais aimé être assis aux côtés d’une de ces charmantes hôtesses, Mâcha’Allah. Le voyage aurait sans doute été moins angoissant.

Air-Senegal-PNC-en-cabine

Je retiens de cette expérience une leçon précieuse : dans les airs comme dans la vie quotidienne, les turbulences sont parfois inévitables. Mais elles ne durent jamais éternellement. Il suffit de s’accrocher, d’avoir confiance et de faire preuve de patience. Tôt ou tard, le calme revient… mais pas toujours, malheureusement. C’est pourquoi la prière est essentielle, car au-delà de tout, il y a un Être Suprême aux commandes : DIEU.

Arouna BA
Client d’Air Senegal
contact@arounaba.com

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