Le monde de l’entrepreneuriat est plein de surprises. Des hauts, des bas, des réussites et des échecs. Aujourd’hui, je vais vous partager une expérience qui m’a coûté environ 500 000 FCFA avec le site magal-touba.com. Une aventure qui m’a appris que certains terrains sont plus délicats que d’autres, et qu’il vaut parfois mieux y réfléchir à deux fois avant de s’y aventurer.
Nous sommes en novembre 2021, en pleine période post-Covid. Le Grand Magal de Touba venait de se terminer et l’idée me vient de créer un site dédié à cet événement religieux pour préparer l’édition 2022. Mon but était de présenter l’histoire du Magal et du mouridisme, tout en y intégrant une boutique en ligne pour vendre des produits dérivés comme des mugs, t-shirts et des photos de dignitaires mourides. Une manière d’allier culture, spiritualité et business.
Je me mets donc à chercher un nom de domaine pertinent. Rapidement, magal-touba.com s’impose comme une évidence. C’est un Exact Match Domain (EMD), parfait pour le référencement. Après quelques recherches, je découvre que c’était un domaine expiré. Il avait été réservé en 2011, puis abandonné. Je l’ai donc récupéré en octobre 2021.
Je me lance alors dans la création du site. Pour aller vite, je fais appel à des rédacteurs pour produire du contenu optimisé SEO. Je mets en place une stratégie sur les réseaux sociaux avec une page Facebook, un compte Instagram et une page Google My Business. En quelques semaines, le site est en ligne et gagne progressivement en visibilité. La page Facebook atteint rapidement 2 000 likes, et le compte Instagram plusieurs centaines d’abonnés. Côté SEO, grâce à l’optimisation du site et quelques backlinks achetés, le site commence à bien se positionner sur plusieurs mots-clés liés au Magal. Tout semblait bien se passer, et le nombre de visiteurs ne cessait de croitre.
L’édition 2022 du Magal approche. J’étais tellement confiant que je décide d’ouvrir la boutique en ligne. J’investis beaucoup dans la production de plusieurs articles : mugs, t-shirts, sacs, et autres goodies. En tout, le projet m’a coûté environ 500 000 FCFA, entre l’achat du nom de domaine, la création du site, la production de contenu et les produits à vendre. Mais le succès attire aussi l’attention. Et pas n’importe laquelle. Un matin, je reçois un appel d’un membre du comité d’organisation du Magal de Touba. La conversation débute sur un ton cordial :
- Salam alaykoum. Je vous appelle au sujet de votre site magal-touba.com.
- Wa alaykoum salam. Oui, de quoi s’agit-il ?
- Vous savez, tout ce qui concerne le Magal nous appartient. C’est une propriété collective sous la supervision du comité d’organisation.
- Je comprends, mais j’ai pris soin de préciser dans les mentions légales que mon site n’était pas le site officiel du Magal. C’est simplement une plateforme informative.
- (d’un ton plus ferme) : Cela ne change rien. Vous n’avez pas le droit d’utiliser le nom “Magal Touba”. C’est une question de respect des traditions et de nos droits sur l’événement.
- Mais je n’ai pas l’intention de porter atteinte à l’événement. Mon objectif était de contribuer à sa visibilité, tout en proposant des produits dérivés.
- Nous vous demandons de fermer immédiatement le site. Sinon, nous prendrons des mesures.
La pression monte. Malgré mes tentatives d’explication et ma bonne foi, le responsable n’était pas disposé à discuter. Il m’a fait comprendre que tout ce qui touche au Magal devait passer par eux, y compris l’utilisation du nom. J’ai alors pris une décision difficile : fermer le site.
La raison principale qui m’a poussé à cela était simple. Malgré les mentions légales que j’avais intégrées, je me suis rendu compte que beaucoup d’internautes pouvaient penser qu’il s’agissait du site officiel du Magal. Or, rares sont ceux qui prennent le temps de lire les petites lignes des mentions légales.
Après avoir fermé le site, je pensais que tout était réglé. Mais non, les problèmes ne faisaient que commencer. En une semaine, j’ai reçu tellement d’appels d’inconnus, des reproches et même des menaces que je n’osais plus répondre au téléphone. C’est là qu’on réalise à quel point certains peuvent être zélés sur les questions de genre au Sénégal.
La suite ? J’ai décidé d’offrir toutes les goudies à mon entourage. J’ai également mis le nom de domaine en vente sur Sedo.com. Mais encore une fois, le Comité n’a pas apprécié. J’ai reçu une nouvelle vague de pressions pour que je leur cède gratuitement le nom de domaine. Cette fois, j’ai été plus ferme et catégorique :
- Vous vouliez que je ferme le site, c’est fait. Maintenant, laissez-moi tranquille, s’il vous plait. J’ai déjà mis le nom de domaine en vente sur la plateforme Sedo. Vous pouvez l’acheter là-bas si vous le souhaitez. Il est à 1 500 euros (environ 980 000 FCFA).
Quelques jours plus tard, le Comité m’a finalement contacté pour négocier l’achat du domaine. J’ai accepté de baisser le prix à 700.000 FCFA. Mais après cet appel, je n’ai plus eu de nouvelles.
Depuis, le domaine magal-touba.com est en redirection 301 vers une page de mon site soleil.sn.
Cette expérience m’a appris qu’au Sénégal, certains sujets, surtout liés à la religion ou aux confréries, sont très sensibles. Dans ces situations, il est parfois préférable de bien réfléchir avant d’agir, car les conséquences peuvent être imprévisibles.