A qui appartient Afrique Confidentielle ?

Le média Afrique Confidentielle (afriqueconfidentielle.com) fait l’actualité ces derniers jours au Sénégal. Depuis plusieurs années, le site semble s’être spécialisé dans la publication d’articles polémiques. Et certains sont franchement mensongers à l’encontre du Premier ministre Ousmane Sonko et son parti Pastef.

Ces contenus à charge sont souvent relayés, parfois de mauvaise foi, par certains médias du pays qui ne cachent pas leur hostilité envers l’actuel gouvernement. Mais qui se cache derrière ce site ? Peut-on le fermer ? Pourquoi est-il si difficile de remonter à ses responsables ? J’ai essayé de voir un peu le fonctionnement d’Afrique Confidentielle, son historique numérique, sa stratégie d’opacité et les raisons pour lesquelles les autorités sénégalaises sont impuissantes face à ce média étranger. Suivez-moi, je vous explique en détail.

Afriqueconfidentielle.com : site actif depuis 2016… sous une autre forme

Je me suis d’abord penché sur le nom de domaine afriqueconfidentielle.com. J’ai remarqué qu’il a été enregistré le 26 septembre 2014 chez le registrar IONOS (j’y reviendrai plus tard).

Cependant, le site n’a pas toujours été actif ni sous sa forme actuelle. En utilisant l’outil Wayback Machine, je découvre que le site est resté inactif pendant un bon moment. Il a commencé à publier réellement du contenu autour de l’année 2016.

afrique confidentielle en 2016
Afrique confidentielle en 2016

À ses débuts, Afrique Confidentielle proposait des articles aux tons plutôt neutres, avec des analyses sur la diplomatie ou l’actualité du continent.

Par exemple, un article datant de 22 novembre 2016 disant :

« La diplomatie sénégalaise, naguère flamboyante sous Senghor et Diouf, prise dans le ressac avec Wade, reprend des couleurs avec Macky Sall. » 

Mais en 2018, le design du site évolue, le ton devient plus offensif, et la ligne éditoriale prend une tournure clairement partisane, avec des attaques répétées contre certaines figures politiques sénégalaises.

afrique confidentielle en 2018

Un média protégé par les lois de l’anonymat numérique

Ce qui rend Afrique Confidentielle aussi difficile à contrer, c’est d’abord sa structure numérique pensée pour protéger l’anonymat de ses responsables.

Nom de domaine en .com, hors de portée des autorités sénégalaises

Contrairement aux sites en .sn, gérés localement par Nic Sénégal, et donc plus facilement contrôlables ou bloquables par les autorités, le site afriqueconfidentielle.com utilise l’extension .com qui est hors du champ de contrôle de l’État sénégalais s’il est enregistré chez un registrar qui protège l’anonymat.

Et c’est le cas ici, puisque le domaine est enregistré chez IONOS (ex 1&1), un registrar allemand. Et ce dernier offre la possibilité de cacher les informations WHOIS grâce à un service d’enregistrement privé. Cela signifie qu’il est impossible de connaître l’identité réelle du propriétaire du domaine sans passer par des procédures complexes ou internationales et avec l’accord du registrar.

De plus, IONOS propose également des services d’hébergement web avec des serveurs localisés en Allemagne, aux Etats-Unis et en France, ce qui complique encore davantage toute tentative de blocage ou de traçabilité.

La prétendue transparence du site : un écran de fumée ?

Dans un article « mise au point » publié en 2019, Afrique Confidentielle affirme vouloir jouer la carte de la transparence :

« Optant également pour la transparence, le site a toujours affiché ses informations légales avec le nom de son directeur de publication et l’adresse de ses locaux. »

Mais cette prétendue ouverture est clairement trompeuse. En effet, Afriqueconfidentielle.com prétend être édité par CS-SMART, un institut de sondage et d’études stratégiques basé au Delaware (États-Unis). Or, une simple recherche sur cette société soulève de nombreux doutes :

  • Pas de mentions légales sur le site de la société (cs-smart.com) à ce jour
  • Aucune présence sur les réseaux sociaux (pas de page Facebook, LinkedIn, Twitter…)
  • Aucune preuve tangible d’activité réelle

On peut donc raisonnablement penser que CS-SMART est une société écran, probablement créée en ligne pour donner une façade légale au site.

Et cela n’a rien d’exceptionnel. Aujourd’hui, n’importe qui, où qu’il soit dans le monde, peut créer une société offshore LLC dans le Delaware pour moins de 200 dollars, avec une adresse, un numéro de société, un compte bancaire virtuel… sans jamais quitter sa chambre. Ce genre de structure est parfaitement légal, mais sert souvent à dissimuler l’identité des véritables auteurs de contenus sensibles ou controversés.

Cybersquattage du domaine confidentielafrique.com

Beaucoup accusent Afrique Confidentielle de copier un autre site jugé plus crédible : confidentielafrique.com, dans le but de tirer profit de sa notoriété. Cette pratique appelée cybersquatting, ou plus précisément, le typosquatting consiste à enregistrer des noms de domaine très proches de ceux de sites connus, avec de légères fautes de frappe ou des variantes, afin d’induire les internautes en erreur.

Cependant, dans ce cas précis, les données que j’ai collectées racontent une autre histoire.

le site confidentialafrique.com - arounaba.com

En effet, on voit bien que le nom de domaine confidentielafrique.com a été enregistré le 30 juin 2016, soit deux ans après celui d’Afrique Confidentielle. S’il y a eu imitation, ce serait donc plutôt confidentielafrique.com qui se serait inspiré d’Afrique Confidentielle, et non l’inverse.

Pourquoi les autorités sénégalaises semblent impuissantes face à afriqueconfidentielle.com ?

Toutes ces stratégies rendent très difficile toute action judiciaire ou administrative contre Afrique Confidentielle.

1. Le site n’est pas hébergé au Sénégal

Sans serveur local, aucune saisie ou blocage technique ne peut être imposé directement par les autorités sénégalaises.

2. Le domaine est « international »

Impossible pour le gouvernement sénégalais de demander à IONOS ou à un registrar étranger de bloquer un site, à moins de passer par une procédure judiciaire internationale longue et complexe.

3. L’identité des auteurs est protégée

Entre WHOIS masqué, société offshore et hébergement distant, toutes les protections numériques sont activées. Il faudrait une enquête cyber très poussée pour remonter jusqu’aux véritables auteurs.

La seule chose que les autorités peuvent faire, à mon avis, c’est bloquer l’accès au site depuis le territoire sénégalais. On se souvient tous de l’épisode Moussa Bocar Thiam, qui avait bloqué l’accès aux réseaux sociaux en 2023. Mais on est bien d’accord : cette stratégie est totalement contre-productive. D’une part, elle accorderait une importance excessive à ce site, et d’autre part, elle n’empêcherait pas les internautes d’y accéder en utilisant un VPN.

Et vous, que pensez-vous qu’il soit possible de faire pour bloquer ce site et/ou identifier ses auteurs ? Partagez votre avis en commentaire.

Arouna BA
contact@arounaba.com

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