Les plateformes de paris en ligne sont réputées pour leurs stratégies marketing agressives, ciblant particulièrement les jeunes. Ces entreprises n’hésitent pas à investir massivement dans la publicité, que ce soit à la radio, à la télévision, sur les panneaux publicitaires ou les sites web.
Un jour, l’une des plus connues d’entre elles, 1xBet, a frappé à ma porte. Ce jour-là, ma foi a été mise à rude épreuve. Je vous raconte en détail comment cela s’est produit et comment tout s’est terminé.
Tout a commencé lorsque j’ai reçu un e-mail de 1X Partners, la structure derrière le programme d’affiliation de 1xBet, en février 2023. Voici un extrait de leur message :
« Bonjour,
Je m’appelle xxxxx, je représente une société de paris sportifs et nous souhaitons établir un partenariat solide et mutuellement bénéfique avec votre site web. «
Dès que j’ai lu les mots « paris sportifs », j’ai su que c’était une offre que je refuserais. Non seulement je m’interdis toute collaboration avec des entreprises liées aux jeux de hasard sur mes sites, mais je savais aussi qu’il s’agissait d’un partenariat d’affiliation, ce qui ne m’intéresse pas particulièrement.
Quelques jours plus tard, un autre e-mail est arrivé, cette fois directement adressé à mon site Soleil.sn.
« Bonjour,
Je vous contacte car je souhaite publier un article sponsorisé sur votre site aujourd’hui.
Est-il possible de publier un article comme celui-ci ?
Merci d’avance. «
En jetant un coup d’œil à l’article en question, j’ai constaté qu’il mettait en avant les applications de 1xBet au Sénégal. Une fois encore, j’ai refusé. À ce moment-là, je pensais que l’affaire était close. Mais je me trompais.
Quelques semaines plus tard, via la plateforme Ereferer, 1xBet a refait surface. Ereferer est une plateforme mettant en relation entreprises et propriétaires de sites web. J’y avais inscrit plusieurs de mes sites, dont Soleil.sn. Cette plateforme facilite la vente de liens et d’articles sponsorisés. Pour les entreprises, c’est une excellente opportunité de promouvoir leurs produits ou services et d’améliorer leur visibilité en ligne grâce au netlinking SEO. Pour nous, propriétaires de sites web, cela peut devenir une source de revenus intéressante. Plus un site est reconnu, plus ses articles sponsorisés sont coûteux.
Par exemple, sur des sites comme ladepeche.fr, enfant.com ou mixmag.net, les entreprises paient souvent entre 2000 et 3000 euros (soit entre 1 300 000 et 2 000 000 FCFA) pour un seul article. C’est dire l’ampleur potentielle de ce business !
Sur Soleil.sn, je propose un article sponsorisé pour 80 euros. Un matin, je reçois une série de commandes : 5 articles à publier. Soit 400 euros d’un coup.
Ma première réaction fut enthousiaste : « Quelle belle journée, ce n’est pas tous les jours qu’on reçoit 400 euros d’un coup ! «
Mais en identifiant l’annonceur, je découvre qu’il s’agit encore de 1xBet. Décidément, ils sont déterminés à obtenir mon accord. Je refuse la commande en précisant : « Les articles casino et paris sportifs ne sont pas acceptés sur notre site. «
Ils insistent alors en proposant 100 euros par article et suggèrent de commander 3 articles supplémentaires sur un autre de mes sites à 60 euros pièce, soit un total de 800 euros (524 000 FCFA).
Et là, j’avoue avoir hésité un peu, beaucoup même. L’offre était tentante, presque irrésistible, d’autant plus que je traversais une période où j’avais vraiment besoin de cette somme.
Je me retrouve face à un dilemme : dois-je accepter ou refuser ?
Une voix intérieure me met en garde : « Héé, Rone, c’est un piège ! Dieu veut simplement t’éprouver pour voir le degré de ta foi. La religion musulmane est claire sur les jeux de hasard. Le Coran dit : ‘Le vin, le jeu de hasard, les pierres dressées, les flèches de divination ne sont qu’une abomination, œuvre du Diable. Écartez-vous en, afin que vous réussissiez.’ Donc, faire la promotion des jeux de hasard sur tes sites revient au même que d’y jouer. »
Une autre voix me souffle : « Certes, l’islam interdit clairement les jeux de hasard, mais si tu es dans le besoin et que tu n’as pas le choix, tu pourrais accepter l’offre, résoudre ton problème et refuser toutes les propositions suivantes. Regarde la LONASE, par exemple : c’est une société nationale de paris sportifs, mais il n’y a que des musulmans qui y travaillent. Si on t’avait proposé un contrat là-bas, tu l’aurais refusé aussi ??? «
Pour m’aider à trancher, j’ai sollicité l’avis de mon entourage.
J’ai d’abord consulté un ami aux connaissances religieuses plus solides que les miennes. Sa réponse a été claire et sans appel : accepter cette offre ne serait pas conforme à nos valeurs.
Mon jeune frère, avec son pragmatisme habituel, m’a simplement dit : « Il faut refuser. Peu importe la somme, ça ne vaut pas la peine. » Son avis a renforcé ma réflexion.
Ma mère, quand je lui ai expliqué la situation, a ri avant de conclure : « C’est comme ça qu’ils font. Ils te pousseront jusqu’au bout. Si tu acceptes cette première proposition, c’est fini, tu ne pourras plus leur refuser de nouvelles offres. Refuse cette offre, même si elle paraît alléchante. Boul dieul xalissou naar bi, boul dieul xalissou franc-maçon, boul dieul xalissou gordigèn… « . Ses paroles ont résonné en moi.
Un ami, à qui je m’étais confié, a plaisanté : « Hey, xam na affaire bi, naar bi la. Si tu n’as pas besoin de cet argent, accepte et donne-le-moi ! Moi, j’en ai besoin ! « Sa remarque m’a fait sourire, sans toutefois influencer ma décision.
Finalement, j’ai choisi de tout refuser, convaincu que c’était la meilleure décision. Au-delà des considérations religieuses, je ne peux pas m’opposer aux jeux de hasard, déplorer leurs dégâts sur la jeunesse du pays, et accepter d’en faire la promotion sur mes sites.
Je me suis également rappelé l’adage wolof : « Marnaan boumla taxa Naan poutit… « . D’autres opportunités plus éthiques se présenteront.
En tant qu’éditeur de sites, vous serez inévitablement confronté à des offres similaires, qu’il s’agisse de jeux d’argent, de sexualité ou de questions de genre. Il vous appartient de définir votre propre curseur moral et de décider ce que vous êtes prêt à accepter ou à refuser.